MOSCOU (Reuters) - L'Escherichia coli à l'origine d'une flambée épidémique meurtrière en Allemagne est une nouvelle souche bactérienne hautement toxique, ont rapporté jeudi des scientifiques, alors que des cas signalés aux Etats-Unis alimentent les inquiétudes.
Des scientifiques chinois, qui ont analysé le génome de la souche qui a fait 17 morts et contaminé 1.500 personnes dans une dizaine de pays européens, ont noté qu'il contenait des gènes qui rendent la souche résistante à certaines classes d'antibiotiques.
"C'est une nouvelle souche bactérienne hautement infectieuse et toxique", ont déclaré ces scientifiques de l'Institut du génome de Pékin.
Dans un communiqué, ils ont précisé que cette bactérie était liée à une autre souche d'E. coli, l'EAEC 55989, qui a été précédemment isolée en Afrique centrale.
A l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une porte-parole a fait savoir que la souche "n'avait jamais été observée dans une situation épidémique auparavant".
Le docteur Robert Tauxe du centre américain de prévention et de contrôle des maladies a estimé que la souche était probablement l'une des plus meurtrières jamais recensée. "Nous ne comprenons pas pourquoi elle est si résistante", a-t-il déclaré, estimant qu'il n'y avait aucun signe attestant que les antibiotiques puissent être efficaces.
Les experts de l'Union européenne disent avoir été surpris par l'ampleur de l'épidémie, qui a atteint les Etats-Unis avec trois cas signalés. Tous les malades habitent en Allemagne ou reviennent d'un séjour dans ce pays.
MOSCOU INTERDIT LES IMPORTATIONS
Face à l'épidémie, la Russie a interdit jeudi l'importation de légumes frais en provenance de l'Union européenne, provoquant une vive réaction de Bruxelles.
Moscou avait déjà interdit les importations de légumes en provenance d'Allemagne et d'Espagne pour échapper à l'épidémie, que les autorités de Hambourg, épicentre de la crise, ont imputée à des concombres espagnols avant que Berlin ne démente.
Cité par l'agence de presse Interfax, Guennadi Onichtchenko, directeur de l'agence russe de défense des consommateurs, a indiqué que l'interdiction avait pris effet jeudi matin.
"Ce qui se passe dans l'Union européenne depuis un mois n'arrive même pas dans les pays africains", a déclaré Onichtchenko, avant d'ajouter que "la législation sanitaire européenne tant louée (...) ne marche pas".
"Nous voulons des explications. S'ils nous disent demain que la crise est réglée, que l'origine de la maladie est connue et que, par exemple, c'est la salade qui est en cause, alors nous interdirons les importations de salade et autoriserons tout le reste", a-t-il poursuivi.
Un porte-parole de la Commission européenne a répondu que le commissaire à la Santé John Dalli enverrait "une lettre aux autorités russes dans les heures qui viennent pour dire que c'(était) disproportionné".
La Pologne, qui est avec l'Allemagne et la France l'un des premiers pays exportateurs de fruits et légumes vers la Russie, a estimé que la réaction de Moscou était "excessive étant donné le risque".
"Mais nous devons aussi admettre qu'il nous a fallu trop de temps en Europe pour savoir ce qu'il se passait", a indiqué le ministre polonais de l'Agriculture, Marek Sawicki, lors d'une conférence de presse à Varsovie.
DÉDOMMAGEMENTS
Pointée du doigt dans un premier temps par l'Allemagne avant que ses concombres ne soient mis hors de cause, l'Espagne a demandé des dédommagements pour le préjudice subi par les producteurs de fruits et légumes qui évaluent les pertes à environ 200 millions d'euros par semaine. Selon Madrid, 70.000 emplois sont menacés par les répercussions de la psychose sur les concombres espagnols.
Lors d'une discussion téléphonique avec son homologue espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, la chancelière allemande Angela Merkel a dit regretter les conséquences subies par les cultivateurs espagnols de légumes. Elle a ajouté qu'elle rechercherait une solution conforme au droit européen, selon un communiqué.
L'Institut Robert Koch (RKI), établissement de référence en Allemagne pour la santé publique, a indiqué jeudi que la source exacte de la maladie ne serait peut-être jamais découverte.
Les experts de la santé recommandent aux personnes vivant en Allemagne ou y voyageant d'éviter de consommer des tomates, des concombres ou des salades crus.
"Toute personne revenant d'Allemagne avec une maladie, dont une diarrhée sanglante, doit faire l'objet de toute urgence d'une attention médicale", a indiqué l'agence nationale britannique de protection de la santé.
Selon l'OMS, des cas ont été détectés en Autriche, au Danemark, en France, aux Pays-Bas, en Norvège, en Espagne, en Suède, en Suisse et en Grande-Bretagne.
Avec Eric Kelsey à Berlin et Foo Yun Chee à Bruxelles; Jean-Philippe Lefief, Clément Guillou, Jean-Stéphane Brosse, Marine Pennetier et Benjamin Massot pour le service français