Au sud de la Somalie, plusieurs milliers de soldats montent la garde. Jour et nuit, ils circulent dans les rues de Doblei et dans les alentours. Ils sont partout. En mai dernier, les troupes d'al-Chebab ont attaqué la ville, les combats ont duré plusieurs jours. En février et mars déjà, les milices avaient tenté de prendre le contrôle de la localité. Sans succès. «Ils sont encore très près, à tout juste 60 km. On s'attend à une attaque sous peu, d'ici un jour ou deux. Ils veulent nous coloniser, comme ils l'ont fait dans presque tout le pays, mais on ne les laissera pas faire!» Aziz est soucieux. Responsable d'une organisation humanitaire locale, African Rescue Committee, il s'inquiète pour les réfugiés. «Les donateurs sont de plus en plus réticents à s'impliquer dans la région. À l'inverse, les réfugiés sont toujours plus nombreux à débarquer chaque jour ; affamés, malades et sans aucune ressource.»
Depuis plus d'un an, les rebelles islamistes d'al-Chebab ont expulsé les ONG internationales des zones qu'ils contrôlent, la plus grande partie du Sud et du Centre. Selon eux, elles seraient toutes au service des puissances occidentales. La Croix-Rouge et MSF sont encore présentes dans certaines régions, mais leur action est limitée. Pour les rares ONG encore présentes, la tâche est ardue. Elles font face à une double contrainte: de très strictes conditions de travail imposées par al-Chebab et surtout, les sources de financement se font rares, les pays donateurs craignant que l'argent ne soit détourné au profit d'insurgés, qualifiés de terroristes par les États-Unis.
L'Unicef dit avoir envoyé de l'aide, en juillet, pour 65.000 enfants dans le Sud somalien grâce à des partenaires sur le terrain. L'ONG d'Aziz distribue régulièrement les rations alimentaires que lui fournissent les Nations unies. «Sans cela, on serait obligé de regarder toutes ces familles mourir de faim.»
Hassan vient d'arriver. Il détache les sacs de sa charrette et les attache à un arbre. Il a marché avec toute sa famille pendant plusieurs semaines avant d'atteindre la ville de Doblei. «La sécheresse avait déjà détruit en grande partie mes récoltes. Puis les miliciens d'al-Chebab sont arrivés, ils m'ont menacé, ont pris mes terres et nous ont mis dehors. Je ne rentrerai jamais chez moi, pas avant qu'ils ne soient partis.» Un homme s'avance, lui aussi vient d'arriver, il s'immisce dans la conversation. «Ces miliciens sont des gens mauvais, ils ne font que le mal partout où ils passent. Ils prennent les enfants pour les enrôler dans leurs milices. On ne veut plus d'eux.» Fin juillet, de violents combats dans Mogadiscio entre la force africaine (Amisom) et les insurgés d'al-Chebab ont encore poussé sur les routes vers le sud plus de Somaliens.
«Ils ont tout détruit»
Fatima tient son bébé serré contre son long voile islamique. Elle a fui la capitale au moment des violences. «Quand les Chebab voient une femme, si sa façon de s'habiller ne leur convient pas, ils la menacent, lui jettent des pierres et même parfois ils la tuent. Juste pour ça.» Ses deux enfants portent encore les cicatrices des exactions des miliciens.
Derrière elle, les maisons aussi affichent les stigmates de ces violences incessantes. Des impacts de balles dans certains murs, un peu plus loin l'hôpital est fermé, il a été bombardé par erreur par l'armée. À la sortie de la ville, une famille est assise sous un arbre. Ils ont marché pendant deux mois pour atteindre Doblei et n'ont plus rien, ni charrette ni animaux, à peine quelques sacs. Un minibus arrive pour les emmener au Kenya. «On nous a dit qu'on trouverait de l'aide là-bas. Beaucoup sont déjà partis. De toute façon, on n'a plus rien, les Chebab ont tout détruit dans le village.»
Ahmed est le chef du groupe. À la simple évocation d'al-Chebab, il se bouche le nez, signe de dégoût profond. «Ces gens ne sont pas de bons musulmans, ils sont là pour piller et tuer les Somaliens. S'ils sentent une odeur de cigarette dans la rue, ils arrêtent la première personne qui passe et ils lui brûlent les yeux. Pour l'exemple. Mais si Dieu le veut, ils seront bientôt vaincus et partiront.» Tout le monde s'entasse à l'intérieur du bus. Dans quelques heures, ils auront rejoint les camps de réfugiés de Dadaab.
Edith Bouvier
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