mardi 20 mars 2012

Haiti : La médecine traditionnelle, premier recours des patients

Extrait de l’allocution du vice-recteur à la recherche de l’Université d’État d’Haiti (UEH), Fritz Deshommes, à l’occasion d’un symposium sur la médecine traditionnelle haïtienne tenue la semaine dernière à l’initiative du Ministère de la santé

Document soumis à AlterPresse le 15 mars 2012

(..) A travers le monde, la Médecine Traditionnelle fait l’objet d’un usage et d’un intérêt accrus.

Dans les pays en voie de développement, en Amérique Latine, en Asie, en Afrique, elle est la plus usitée, la plus accessible et la plus abordable. Parce qu’elle est beaucoup plus disponible, parce qu’elle est beaucoup moins chère et parce qu’elle inspire une très grande confiance. Souvent, le rapport entre le nombre de médecins et infirmiers conventionnels et celui des tradipraticiens est de 1 à 100. En moyenne la médecine traditionnelle coute dix fois moins que la médecine conventionnelle.

Dans un pays comme l’Inde par exemple, pour plus de 60% de la population la médecine traditionnelle constitue la seule source de soins de sante disponible.

Nous savons que le tableau n’est pas différent en Haïti. Des études ont déjà démontré que dans notre pays la médecine traditionnelle constitue le premier recours des patients ; que, dans la plupart de nos régions, elle est la seule accessible ; que, la quantité de ressources humaines disponibles dans ce secteur dépasse de loin celle de nos médecins et infirmiers. Et que c’est elle qui prend en charge plus de la moitie d’entre nous a notre naissance.

Mais il n’y a pas que les pays sous-développés. Dans le monde industrialisé, la médecine traditionnelle, appelée médecine complémentaire ou médecine alternative, fait l’objet d’une reconnaissance sans précédent. Aux Etats-Unis, au Canada, en Finlande, dans l’Union Européenne, de plus en plus de patients s’y référent. Et cela pour plusieurs raisons :

Ils veulent éviter les effets nocifs des médicaments conventionnels ;

Ils estiment que la médecine alternative fait montre d’un potentiel curatif plus élevé dans le traitement des maladies débilitantes comme le SIDA, le diabète et l’hypertension ;

Ils remettent en cause certaines démarches de la médecine conventionnelle et se sentent plus attires par la souplesse, la diversité, le caractère holistique des médecines alternatives.

Aux Etats-Unis par exemple, 40% des patients sont des utilisateurs réguliers de la médecine traditionnelle. Et 78% des patients atteints de SIDA en font un usage systématique.

On comprend pourquoi de plus en plus de pays mettent sur pied des instituts nationaux de recherche sur la médecine traditionnelle, et des instances de réglementation. Les universités les plus prestigieuses et les hôpitaux les plus réputés lui consacrent d’importantes investigations. Par exemple, la Clinique Mayo des Etats-Unis, considérée comme le plus grand centre mondial de chirurgie cardiaque, fait de la medecine complementaire l’un de ses meilleurs atouts. Aux Etats Unis même, on retrouve notamment le Bureau National pour la Médecine Alternative, la Commission de la Maison Blanche pour la Médecine Alternative, le Centre National pour la Médecine Alternative et Complémentaire entre autres organismes fédéraux.

De sorte que, dans notre pays, il est venu le temps :

D’assumer et de prendre en charge notre médecine traditionnelle ;

De reconnaitre son apport inestimable à la production et à la préservation de la sante ;

De considérer ses tenants – des guérisseurs aux machann feuilles, des sages-femmes au grandet familiaux – comme de véritables professionnels dans leur domaine ;

De comptabiliser parmi nos richesses ces plantes, herbes, minéraux, ces thérapies spirituelles dont les vertus contribuent chaque jour à la santé générale de notre population ;

De nous découvrir devant ces savoirs, ces pratiques, ces méthodes, ces techniques, ces croyances qui diagnostiquent, préviennent, soignent les maladies physiques et mentales.

Il est temps d’investiguer, de collecter, d’analyser, de comprendre, de réglementer, de trier le bon grain de l’ivraie, d’identifier les bonnes pratiques, de les codifier, de les valoriser, de les promouvoir, mais aussi de décourager les mauvaises pratiques, de prévenir l’amateurisme, de se prémunir contre le charlatanisme.

Il est temps de regarder notre médecine traditionnelle avec des yeux, plus conciliants, plus tolérants, plus ouverts, mais aussi plus vigilants, plus conscients, plus critiques et de la soumettre à la rigueur scientifique ;

Il est temps de nous engager sur cette voie qu’empruntent de plus en plus de pays dans le monde et qui conduit à l’intégration harmonieuse des deux médecines, de ces deux visions du corps humain, ces deux regards sur la vie, sur la santé et la maladie mais aussi des deux sociétés ; de ces deux mondes, qui finalement pourront se reconnaitre, s’accommoder et s’enrichir mutuellement.

Il est temps de nous rappeler qu’en plus de sa valeur thérapeutique, notre médecine traditionnelle peut constituer un levier pour la croissance économique, le développement social, l’enrichissement scientifique et – qui sait- pour une contribution substantielle de notre pays à l’augmentation du stock de connaissances de l’humanité, a l’instar des médecines chinoise, indienne, arabe et africaine.

C’est dans cette perspective que, depuis quelque temps, l’UEH retient la valorisation des savoirs locaux et de la médecine traditionnelle haïtienne comme thèmes privilégiés de recherche. Vous aurez l’occasion au cours de ce symposium de faire connaissance avec les travaux déjà réalisés en ce sens, soit à travers l’exposition de travaux de sortie d’étudiants de licence et de master et d’ouvrages publiés par ses chercheurs, soit a travers des présentations de ses représentants.

L’UEH est prête à participer avec le Ministère de la Santé Publique et de la Population et tous les partenaires intéressés, à ce grand konbit de valorisation de notre médecine traditionnelle.

Elle est disponible pour intensifier les recherches en ce domaine, pour contribuer à la définition de politiques publiques, à la mise en place de la règlementation appropriée, à l’amélioration de la formation des tradipraticiens, à l’identification et à la diffusion des meilleures pratiques et à leur intégration dans un cursus académique et à la prise en compte des questions de propriété intellectuelle, entre autres.

mercredi 14 mars 2012

L’eau de pluie n’est plus potable


L'eau de pluie n'est plus pure. L'a-t-elle, d'ailleurs, jamais été? Mais surtout, elle n'est plus potable. Ainsi, l'eau qui tombe du ciel serait devenue nocive pour l'homme?
On pense aux nuages radioactifs, à la suite des catastrophes de Tchernobyl voilà vingt-cinq ans et surtout de Fukushima il y a seulement un an. Certes, les particules radioactives ont eu le temps de se disperser. Mais il y a bien d'autres sources de contamination possibles.
La Direction générale de la santé en avait établi le diagnostic bien avant le dernier accident nucléaire:«L'eau de pluie n'est pas potable, car elle présente une contamination microbiologique et chimique supérieure aux limites de qualité retenues pour l'eau potable distribuée par le réseau public.»
Et la loi sur l'eau de 2006 l'a rappelé. On en parle peu. Toutefois, Xavier Leflaive, de la direction de l'environnement de l'OCDE, n'a pas hésité à le mentionner à plusieurs reprises en préambule au sixième Forum international de l'eau.
Le Conseil mondial de l'eau tire la sonnette d'alarme lorsqu'il constate que «la crise de l'eau est largement répandue et la poursuite de l'application des politiques en vigueur en matière de gestion de l'eau ne fera qu'étendre et aggraver cette crise».
«L'eau pour tous», de moins en moins. Les problèmes sont apparus au XXe siècle. Les besoins d'eau ont augmenté plus vite que la démographie: alors que la population mondiale a presque quadruplé passant de 1,6 à 6 milliards d'individus, la consommation d'eau a été multipliée par six, à cause de la croissance économique qui génère elle-même de nouveaux besoins.
Une remise en question pour l’eau qui va dans le même sens que l’énergie, et implique d’inventer  un nouveau modèle de société.

lundi 12 mars 2012

L'eau dans le monde : l'Afrique toujours la plus mal lotie


L'Afrique reste le continent dont l'accès à des ressources en eau de qualité est le plus limité, les Américains du nord sont toujours les plus gros consommateurs tandis que l'Asie-Pacifique souffre d'un problème de sécurité alimentaire, selon le 4e rapport ONU-Unesco sur l'eau.

-- Afrique : A peine 60% de l'Afrique sub-saharienne est alimentée en eau potable, constate le document publié lundi à l'ouverture du Forum mondial de l'eau.

L'installation de réseaux de distribution dans les campagnes n'atteignait que 47% en 2008, selon les derniers chiffres disponibles. Quelque 20% des zones urbaines restent sans canalisations d'eau potable.

Seuls 31% de la population ont accès à des toilettes modernes et le nombre de personnes faisant leurs besoins dans la nature est passé de 188 millions en 1990 à 224 millions en 2008.

Face à l'augmentation de 3% en moyenne de la démographie depuis les années 1960, la production agricole n'a progressé en moyenne annuelle que de moins de 2%. Les difficultés d'alimentation sont aggravées par la sécheresse en Afrique sub-saharienne. Ailleurs, les inondations mettent à mal les infrastructures et contaminent les réserves d'eau augmentant les risques d'épidémies, comme le choléra.

En matière d'énergie, seul un Africain sur quatre a l'électricité. Pourtant, le potentiel en énergie hydraulique du continent suffirait à satisfaire ses besoins en électricité, mais 3% seulement de ces ressources sont exploités. Le rapport note des initiatives prometteuses comme la création de deux groupements énergétiques transfrontaliers en Afrique australe et occidentale.

-- En région Asie-Pacifique, 1,2 milliard de personnes supplémentaires ont pu avoir accès à une eau potable de qualité entre 1990 et 2008. Mais près des trois-quarts des 2,6 milliards d'humains n'ayant pas accès à des toilettes vivent dans cette région.

Face à l'urbanisation croissante, doublée d'un boom du développement agricole, l'utilisation intensive des ressources naturelles met les écosystèmes aquatiques de cette région sous pression et créé un problème de sécurité alimentaire.

-- En Amérique latine, malgré la présence d'eau de qualité et d'installations sanitaires, 40 millions de personnes n'ont toujours pas accès à la première et 120 millions aux secondes. Les ressources aquatiques sont surtout sollicitées par l'exploitation minière et la production agricole, des secteurs économiques essentiels pour de nombreux pays de la zone.

-- Au Moyen-Orient et en Asie occidentale, le rapport relève qu'environ deux-tiers de l'eau de surface disponible prend sa source hors de la région, provoquant parfois des conflits transfrontaliers. Mais là aussi le rapport relève des initiatives locales comme la création du Conseil ministériel arabe de l'Eau.

-- Européens et Américains du nord restent les plus gros consommateurs d'eau par personne au monde, mais 120 millions d'habitants en Europe n'ont toujours pas accès à l'eau potable et vivent sans sanitaires. Le rapport déplore aussi la non-application des mesures antipollution dans plusieurs bassins hydrologiques avec des conséquences désastreuses pour la qualité de l'eau.

Source: Romandie

samedi 10 mars 2012

Les Etats-Unis ont-ils atteint un « pic de la viande » ?



Décidément, l'époque semble être aux "pics". Après le peak oil (pic pétrolier), le peak gas (pic gazier) et le peak stuff (pic des objets), voici venu le temps du peak meat, soit le pic de viande. Aux Etats-Unis, la consommation de viande commencerait à diminuer, après avoir atteint un maximum en 2007. C'est ce que révèle l'Earth policy institute, cité par Terra Eco, mercredi 7 mars. Alors que les Américains consomment un sixième des produits carnés dans le monde, cette tendance outre-Atlantique pourrait signifier la fin du steak haché qui trône au centre de l'assiette.
Selon les chiffres du ministère de l'agriculture américain, la consommation de viande suivrait une course descendante après un pic en 2004, à 84 kg par an et par habitant. En 2011, les Américains n'auraient plus consommé "que" 78 kg. Et les prévisions pour 2012 tablent sur 75,5 kg, soit une baisse de 10 % sur les huit dernières années, comme le montre le graphique de la consommation américaine depuis le début du XXe siècle :
Quant à la consommation globale de viande dans le pays, elle chute aussi, après avoir atteint un pic en 2007, à 25 milliards de kg. En 2012, elle devrait être de 23,5 milliards, soit le niveau le plus bas depuis dix ans.
Dans le détail, par type de viande, la consommation de bœuf est celle qui a le plus diminué. Après un pic de 41 kg en 1976, elle doit s'établir à 24 kg par habitant en 2012, soit une baisse de 43 %. Les records de chaleur et de sécheresse l'an dernier dans les plaines du Sud ont achevé de réduire la taille du cheptel national de bovins, à un niveau inférieur à celui de 1962.
Cette baisse de la consommation de bœuf a été compensée par l'augmentation régulière de celle de volailles, moins chères et moins polluantes (un kilo de poulet émet 3 kg de gaz à effet de serre contre 20 kg pour un kilo de bœuf). Jusqu'en 1940, les Américains consommaient 450 grammes de volaille par personne chaque mois. En 1990, même chiffre, mais par semaine. A partir du milieu des années 90, la consommation de volaille a commencé à dépasser celle de bœuf, avant d'atteindre un pic en 2006, à 34 kg. En 2012, elle devrait avoir un peu baissé, avec un peu moins de 32 kg.
Quant au porc, sa courbe s'avère plus stable à travers les décennies. Elle devrait néanmoins baisser en 2012, avec 20 kg par personne, contre 25 kg en 1944, au plus haut historique, soit une baisse de 20 %.
Les causes de cette baisse de la consommation ? Elles sont multiples : le resserrement des budgets, moins d'animaux sur le marché et surtout plus d'exportation de viande à destination des pays étrangers. Mais la raison principale, c'est la hausse du prix des matières premières : avec 40 % du maïs américain destiné à la production d'agrocarburants, le coût de l'alimentation animale a explosé, augmentant de fait le prix de la viande et poussant les consommateurs à trouver des alternatives. Avec une population mondiale croissante et des besoins de carburants substitutifs au pétrole, cette tendance n'est pas près de changer.
En France, le "peak meat" a eu lieu plus tôt : la consommation individuelle de produits carnés, après avoir progressé chaque année de 1,6 % depuis 1970 jusqu'aux années 90, a baissé de 6,7 kg depuis 1998 pour atteindre 87,8 kg équivalent carcasse en 2009, selon FranceAgriMer.
Edit : à noter que les chiffres du ministère de l'agriculture américain sont très inférieurs aux données de la FAO, qui parle, elle, d'une consommation de 125 kg de viande par an et par habitant aux Etats-Unis en 2004 (contre 84 kg pour le département de l'agriculture). Ce qui ne change rien, par contre, à la tendance à la baisse de la consommation.
Audrey Garric