dimanche 19 octobre 2008

«La crise financière occulte la crisealimentaire»


Interview

Sébastien Fourmy, porte-parole d'Oxfam France, de retour des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, déplore l'écart entre les moyens mis en œuvre dans un cas et la passivité dans l'autre.

Recueilli par ELIANE PATRIARCA

Hier à l'issue des assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, plusieurs ONG se sont inquiétées que la crise financière ait relégué les difficultés des pays pauvres au second plan. Aux côtés des représentants des pays en développement, elles ont multiplié les appels à ne pas réduire l'aide dans ces temps difficiles pour les budgets des Etats.

Ainsi, dans un communiqué, l'organisation non gouvernementale Oxfam affirme que «ces réunions ont offert un nombre de solutions scandaleusement faible pour les pays les plus pauvres. Les dirigeants mondiaux reconnaissent qu'il y a une crise mondiale de la pauvreté, mais l'ont ignorée». Or, la faim et la malnutrition ne cessent de progresser : plus de 925 millions de personnes souffrent de la faim. «Alors que le monde développé a dégagé plus de 1000 milliards de dollars en quelques semaines pour empêcher ses banques de faire faillite, il ne parvient pas à trouver 1% de cette somme pour aider les pays les plus pauvres à surmonter la crise alimentaire»,ajoute Oxfam. Entretien avec Sébastien Fourmy, coordinateur des campagnes d'Oxfam France-Agir Ici, et de retour de Washington.

L'aide au développement et la crise alimentaire ont-elles été abordées durant ces assemblées ?

La crise financière a occulté les discussions sur la crise alimentaire. On a très peu parlé agriculture, et probablement que si on n'avait pas été là, on n'en aurait pas parlé du tout !

Or la Banque mondiale est l'une des principales institutions à promouvoir depuis des années, par ses programmes d'aide, les monocultures d'exportation dans les pays du Sud au détriment de la petite agriculture familiale et vivrière. Et les pays du Sud en paient aujourd'hui les conséquences avec la flambée des prix alimentaires et la crise qui en découle.

Finalement, en insistant, on a réussi à parler d'aide au développement le dernier jour, dimanche, alors que la plupart des ministres des Finances des pays du Nord étaient déjà repartis pour aller s'occuper de la crise fnancière en Europe !

Ces derniers jours, plusieurs organisations ou experts de l'aide alimentaire se sont dit choqués par la disproportion des moyens.

En effet, il y a un écart patent entre les moyens mis en oeuvre pour tentre de juguler la crise financière mondiale et la passivité de la communauté internationale face à la crise alimentaire et humanitaire. On réussit à trouver quelque 1000 milliards de dollars pour les banques, ce qui montre que quand la communauté internationale veut, elle peut se donner les moyens d'agir vite.

Mais quand il s'agit de la faim, chacun détourne le regard. À la réunion de la FAO en juin, seuls 6,5 milliards d'euros ont été annoncés pour relancer le système agricole de production.

Trente milliards de dollars seulement permettraient de nourrir durant un an les 925 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde. Bien sûr que cela ne serait qu'une solution à court terme, mais cela donne un ordre d'idées : c'est ce que nous avons expliqué aux assemblées du FMI et de la Banque mondiale.

Craignez-vous que l'aide au développement pâtisse de la crise financière, ce qui aggraverait encore la situation des pays en proie à la crise alimentaire?

Oui, c'est une crainte. Par exemple, dans une lettre adressée en février au chanteur Bono, Nicolas Sarkozy écrivait que «les contributions budgétaires qui seront celles de la France au cours des prochaines années seront soumises à l'évolution de la situation économique générale et aux délibérations du Parlement».

Il ya un risque effectivement que les pays les plus pauvres, ceux où les ménages dépensent plus de la moitié de leur revenu pour se nourrir, subissent les effets cumulés de la crise alimentaire et de la récession. Selon le FMI lui-même, 50 pays parmi les plus pauvres seront en 2009 au bord de la rupture. C'est pourquoi Oxfam insiste pour que les engagements des pays du Nord en matière d'aide au développement soient maintenus.

Libération

13 oct. 17h0

samedi 18 octobre 2008

Pour Jean Ziegler, "un enfant qui meurt de faim aujourd’hui est assassiné"

L’ex-rapporteur de l’Onu pour le droit à l’alimentation Jean Ziegler qualifie la faim dans le monde de "crime contre l’Humanité" et s’élève particulièrement contre le développement des biocarburants et la spéculation sur les denrées de base.

"En 2000, le premier objectif du millénaire que les Etats de l’Onu s’étaient fixé était de réduire la faim structurelle de moitié d’ici 2015, or la catastrophe ne cesse de s’agrandir pour toucher 925 millions de personnes", souligne M. Ziegler dans un entretien à l’AFP à l’occasion de la Journée internationale de l’alimentation du 16 octobre.

"Depuis 2000, les Etats les plus riches n’ont pas trouvé les 82 milliards de dollars par an pendant cinq ans nécessaires pour atteindre les huit objectifs du millénaire notamment la fin des épidémies ou de la faim mais parallèlement depuis début septembre des milliers de milliards de dollars ont été brûlés dans la crise financière", s’emporte le sociologue suisse.

Selon M. Ziegler, qui consacre son dernier livre, publié la semaine dernière, à cette thématique, "cette absurdité va renforcer la haine de l’Occident ressentie dans les pays pauvres". "Imaginez-vous en Afrique, les gens qui vont vers la mort à cause de la faim et qui apprennent par leur petite radio que les Américains et les Européens préfèrent sauver leurs banques", s’indigne-t-il. "C’est un crime contre l’Humanité qui est en train d’être perpétré, un enfant qui meurt de faim aujourd’hui est assassiné".

Le manque de moyens financiers concerne également le Programme alimentaire mondial de l’Onu, dépendant de la contribution des Etats, et qui, pour Jean Ziegler, "en est réduit à rationner la nourriture pour les réfugiés, par exemple au Darfour où un adulte reçoit 1.600 calories par jour au lieu des 2.200 recommandées par l’Organisation mondiale de la santé" (OMS).

Selon M. Ziegler, rapporteur spécial de l’Onu pour le droit à l’alimentation de 2001 à 2008, "la tragédie de la faim s’est également amplifiée à cause de l’explosion des prix mondiaux des matières agricoles" qui ont provoqué des émeutes dans une quarantaine de pays au printemps 2008 et "en raison du développement aussi massif que criminel des agrocarburants".

"La Banque mondiale elle-même dit qu’environ 45% de l’augmentation des prix des denrées de base est due aux prélèvements faits sur le marché mondial par les biocarburants", souligne M. Ziegler, aujourd’hui membre du comité consultatif du conseil des droits de l’Homme de l’Onu.

"Pour obtenir 50 litres d’agro-éthanol pour faire marcher une voiture américaine, il faut brûler 358 kilos de maïs, ce qui ferait vivre un enfant mexicain pendant une année", assure-t-il. "Et le crime continue puisque l’Union européenne va s’y mettre".

Parallèlement, ajoute-t-il, environ 40% des augmentations de prix des produits de base, sont dues "à la spéculation de ceux qui ont fui la bourse financière fin 2007 lors du premier petit krach et se sont transportés essentiellement à Chicago où sont fixés spéculativement les prix des principaux produits agricoles".

M. Ziegler espère qu’avec le krach financier, "les gens qui vont souffrir en Occident, vont tout à coup découvrir l’ennemi" qu’il définit comme "le néolibéralisme qui a fait croire qu’une dérégulation frénétique allait résorber tous les problèmes de l’Humanité dont la faim".

Selon lui, "cet obscurantisme totalement discrédité va lentement se déliter en faisant malheureusement d’autres victimes, avant d’être jeté dans les poubelles de l’Histoire".

Par Isabelle LIGNER

mardi 6 mai 2008

Haïti-FAO : « Pas de vie sans agriculture », selon Jacques Diouf


Le docteur Jacques Diouf, directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a relevé, ce 6 mai 2008, l’importance de la production agricole pour faire face à la crise alimentaire qui secoue actuellement le monde, notamment les pays en développement, dont Haiti.

« Je pense que, de plus en plus, le monde réalise qu’il n’y a pas de vie sans agriculture », a déclaré Jacques Diouf, en visite dans la commune de Cabaret (35 kilomètres au nord de Port-au-Prince).

Arrivé le matin même à Port-au-Prince, Diouf était notamment accompagné du ministre de l’agriculture, François Severin, et du secrétaire d’État a l’agriculture, Joanas Gué.

Depuis octobre 2007, la FAO exécute un projet d’assistance humanitaire aux agriculteurs de Cabaret affectés par des inondations dévastatrices. Financé par la Commission européenne, ce projet, qui s’étend jusqu’à ce mois de mai 2008, est également soutenu par le ministère haïtien de l’agriculture.

Semences de haricot, de maïs, outils agricoles, entre autres, ont été distribués aux petits agriculteurs grâce à une contribution de l’agence d’aide humanitaire de la commission européenne Echo.

Des pondeuses ont également été distribuées, notamment aux femmes paysannes.

Ce projet qui consistait à recapitaliser les agriculteurs victimes des inondations d’octobre 2007 est considéré comme une « réussite » par Jacques Diouf. Il salue l’engagement des petits agriculteurs haïtiens qui ont mis leur savoir-faire au service de leur communauté.

La FAO continuera à soutenir les agriculteurs de Cabaret « dans la limite de ses moyens et de ses possibilités », promet Diouf.

Par ailleurs, le directeur général de la FAO admet que la hausse du prix du pétrole sur le marché internationale a des conséquences néfastes sur la production agricole de par le monde.

« Le pétrole atteint 120 dollars (le baril). Ceci a un impact sur le coût du transport, sur le coût des engrais et sur le coût des intrants agricoles », souligne Jacques Diouf.

Le directeur général de la FAO projette de mettre ce thème à l’ordre du jour du prochain sommet de cette agence onusienne prévu du 3 au 5 juin 2008.

Jacques Diouf prévoit de rencontrer, à Port-au-Prince, le président René Préval ainsi que des représentants de divers secteurs.

La visite de Jacques Diouf survient une semaine après celle du directeur régional du Programme alimentaire mondial (PAM). Pedro Medrano était venu soutenir les efforts des autorités haïtiennes dans la lutte contre l’insécurité alimentaire.

La FAO cherche à obtenir 1,7 million de dollars pour une initiative d’urgence qui permettrait de distribuer les semences, les engrais, etc., destinés à relever la productivité agricole dans les pays en développement faisant face à une crise alimentaire.

Cette crise a déjà provoqué des tensions sociales dans plusieurs pays du Sud, dont Haïti où de violentes manifestations de rue ont causé, le mois dernier, la mort d’au moins six personnes, et fait tomber le gouvernement de Jacques Edouard Alexis.

INVITATION PRESSE


Crise alimentaire - Points de vue du Sud

Analyses et perspectives à partir de la diversité des situations dans chaque pays : des mobilisations locales aux actions communes à l’échelle internationale.

Le CCFD vous invite à rencontrer des acteurs engagés dans la défense de la souveraineté alimentaire des pays du Sud Vendredi 9 mai de 11h à 12h

au CCFD 4, rue Jean Lantier 75001 Paris
métro Châtelet

- Arze Glipo (Philippines) - Directrice de l’IRDF (Fondation pour un développement rural intégré), qui soutient les organisations paysannes, et Coordinatrice du Réseau Asie-Pacifique pour la souveraineté alimentaire.

- Chénet Jean-Baptiste (Haïti) - Coordinateur du groupe de recherche de la commission épiscopale Justice et Paix Haïti, institution de l’Eglise catholique engagée dans la promotion des droits humains.

- Jean-Marc Bikoko (Cameroun) – l’un des plus éminents syndicalistes du pays, Président de la CSSP (Centrale syndicale du secteur public).

- Nicholas Chinnapan (Inde) – Directeur de IRDS (Integrated rural development society) et responsable de la Fédération pour le Droit à la terre des Dalits.

En présence également de : Ibrahim Ouedraougo (Inades Formation, Côte-d’Ivoire) , Sinforiano Caceres (Fenacoop, Fédération nationale de coopératives Nicaragua), Ursula Roldan (Pastorale interdiocésaine de la terre, Guatemala).

La crise alimentaire qui touche sérieusement les populations pauvres de près de quarante pays semble aujourd’hui durable. Le CCFD soutient une grande diversité d’organisations et d’initiatives dans ces pays. Il mène également une action d’interpellation et de propositions auprès des responsables économiques et politiques en France et sur le plan international. Il a acquis de ce fait une large expertise pour une lutte durable contre la faim et la pauvreté. Son action au carrefour des réalités locales et des enjeux internationaux l’amène aujourd’hui à contribuer au débat sur les solutions durables à apporter au défi de l’alimentation.

Contact : Véronique de La Martinière : 01 44 82 80 64

Comité catholique contre la faim et pour le développement - 4, rue Jean Lantier 75001 Paris - www.ccfd.asso. fr

Le Brésil table sur une production record cette année


Le Brésil devrait enregistrer cette année une production record d'éthanol à base de canne à sucre, en hausse de 15 à 20% par rapport à celle de 2007, a annoncé mardi la Compagnie nationale d'approvisionnement (Conab).

Cet organisme gouvernemental lié au ministère de l'Agriculture table sur une production d'éthanol de 26,4 à 27,4 milliards de litres cette année. Sur ce total, les exportations devraient atteindre 4,2 milliards de litres, dont 2,5 milliards à destination des Etats-Unis. Les exportations brésiliennes s'établissent aujourd'hui à quelque 3,4 milliards de litres. Le Brésil destine la plus grande partie de son éthanol au marché intérieur comme carburant pour les voitures.

La récolte de canne à sucre, base de l'éthanol, devait également atteindre un record avec 607,8 à 631,5 millions de tonnes, en hausse de 8,8% à 13,1% par rapport à 2007. Plus de la moitié (321 millions de tonnes) sera destinée à fabriquer le biocarburant tandis que jusqu'à 258 millions de tonnes seront consacrées à la production de sucre (la production de sucre devrait enregistrer une hausse de 12% en 2008, à 35 millions de tonnes).

La Conab affirme que le Brésil dispose aujourd'hui de 276 millions d'hectares de terres arables, dont 72% sont occupées par des pâturages, 16,9% par des céréales et à peine 2,8% par de la canne à sucre. Le Brésil, leader mondial avec les Etats-Unis de la production d'éthanol, défend la production de biocombustibles dans les pays en développement comme source de revenus et assure qu'elle est parfaitement compatible avec les cultures vivrières.

les prix céréaliers progressent deux fois plus vite que l'inflation en Russie


La hausse des prix de la farine et de certains produits céréaliers est au moins deux fois plus rapide que l'inflation générale en Russie, selon un rapport rendu public lundi par le Service fédéral des statistiques (Rosstat).

Les prix des produits alimentaires ont progressé en avril de 2,2%, alors que la croissance générale des prix à la consommation était de 1,4%. Depuis le début de 2008, le taux d'inflation en Russie s'est élevé à 6,3%.

Rosstat constate une croissance soutenue des prix de certains produits céréaliers: en avril, la farine a repris 7,7% en valeur (17,5% depuis le début de 2008), le pain de seigle, très répandu en Russie, a renchéri de 6,8% (15,3%), le pain de blé, les pâtes, la semoule et le millet ont vu leur valeur augmenter de 5,5-6,6% (14,3-22,0%).

Dans vingt-trois régions russes, les prix de la farine ont progressé de plus de 10% en un mois, notamment de 23,1% dans la région de Tomsk et de 21,4% dans celle d'Omsk, en Sibérie occidentale. A Saint-Pétersbourg, le prix d'un pain a bondi de plus d'un quart.

La croissance des prix des produits alimentaires est l'un des principaux facteurs de la flambée de l'inflation en Russie. Elle s'explique essentiellement par des signes crise alimentaire qui sont actuellement observés dans le monde.

Lundi 05 Mai 2008
RIA-Novosti

Vous êtes pour les biocarburants ? Mussolini aussi !


1er mai 2008 (LPAC) – Certains s’entêtent toujours à défendre l’utilisation des biocarburants. Savent-ils seulement que l’un de leurs premiers promoteurs fut Benito Mussolini ? Se sont-ils demandés pourquoi il orienta l’économie de son pays vers ce type de carburant, déjà dépassé à l’époque ? Et surtout, ont-ils oublié la suite ?

C’est en 1936 que Mussolini introduisit l’utilisation des biocarburants comme recette pour la bonne marche de l’économie (credo repris aujourd’hui par le FMI).

Mis en banqueroute par la guerre d’Abyssinie (Éthiopie) et touché par un sérieux déficit des balances commerciales et des paiements, le régime fasciste utilisa le prétexte des sanctions de la Société des Nations pour engager une politique d’austérité, limitant durement les importations et favorisant les exportations.

En réalité, les dites sanctions n’étaient pas si contraignantes, comme de nombreux historiens l’ont documenté depuis. L’Italie pouvait en effet continuer à importer d’Allemagne et d’autres pays amicaux, et les sanctions n’incluaient officiellement pas le pétrole.

Cependant, Mussolini ordonna la production d’essence à partir de sucre de betterave et de riz. Comme ce n’était pas suffisant, 20% du vin était utilisé pour produire de l’éthanol pour les voitures. Les camions et les autobus devinrent gazogènes, fonctionnant au charbon de bois ou au gaz. Ils ressemblaient à des fourneaux géants à roulettes, tant et si bien que les journaux américains en publièrent caricatures et satires : « Ils reviennent au feu de bois, un peu plus et ils retourneront à la roue de pierre. »

Bien évidemment, l’économie fasciste italienne continua à se déliter, son marché intérieur sacrifié à la politique d’équilibre budgétaire imposée par le Comte synarchiste Volpi di Misurata et ses acolytes. L’Italie produisait en un an autant de voitures que les États-Unis en vendaient en 24 heures et, facteur aggravant, la politique de lire forte de Mussolini (comparable à celle de l’Euro aujourd’hui) étouffait les exportations.

Le reste de l’Histoire est connue…

lundi 5 mai 2008

THAÏLANDE • Non à une OPEP du riz !

Le Premier ministre thaïlandais se voit déjà grand ordonnateur d'une nouvelle Organisation des pays exportateurs de riz qui serait à créer. Mais pour le Bangkok Post, il s'agit là d'une bien mauvaise idée.

Espérons que notre gouvernement va renoncer à former un cartel qui fixerait les prix du riz. Le Premier ministre Samak Sundaravej paraît aveuglé par le côté populiste de son projet. Il imagine déjà les riziculteurs thaïlandais en train d'échanger leurs sacs de riz contre des sacs d'or et de billets de banque. Il faut qu'il prenne le temps de réfléchir aux conséquences que cela pourrait avoir et qu'il comprenne, comme la plupart des pays qui se sont exprimés contre ce projet, à quel point c'est une mauvaise idée. M. Samak a proposé le projet d'un cartel du riz le mois dernier, sur fond de hausse des prix locaux et mondiaux de cette denrée. Apparemment, il n'aimerait rien tant que de pouvoir faire encore monter les prix à sa guise. Après avoir prononcé contre les Nations unies et l'OPEP deux discours enflammés pourfendant le prix élevé du pétrole, M. Samak a décidé sur un coup de tête qu'il voulait présider l'Organisation des pays exportateurs de riz (OPER), dont le nom serait calqué sur celui de l'OPEP. Comme cette dernière, l'OPER ferait monter ou baisser les prix du riz, ce qui donnerait un immense pouvoir à la Thaïlande [premier pays exportateur de cette céréale] et serait peut-être synonyme de revenus bien plus élevés pour les agriculteurs.

Mais le Premier ministre doit avant tout réfléchir à la manière dont l'OPEP et son leader, l'Arabie Saoudite, sont perçus dans le monde. Il a raison de critiquer l'OPEP pour avoir doublé, puis triplé, le prix du pétrole dans des pays comme la Thaïlande, en jouant simplement sur l'offre. Il a également raison de critiquer les Nations unies, la Banque mondiale et d'autres instances pour être restées sans réagir face aux spéculations sur une marchandise aussi indispensable que le pétrole. Il ferait donc bien de songer que si la Thaïlande contrôlait avec arrogance les prix du riz, son OPER vaudrait à notre pays bien davantage de reproches que ceux actuellement adressés à l'Arabie Saoudite et à l'OPEP. M. Samak ne se soucie peut-être pas de l'image de la Thaïlande dans le monde, mais ses citoyens, si. Quand on voit qu'un pétrole rare et cher met en danger l'économie thaïlandaise et menace d'entraîner une telle inflation que les pauvres peuvent à peine se nourrir, que peut-on augurer des conséquences d'un riz rare et cher pour d'autres pays du monde ? Si la Thaïlande devait s'asseoir sur des millions de tonnes de riz comme l'Arabie Saoudite et l'Iran s'assoient sur leur pétrole, faisant monter les enchères tandis que les gens meurent de faim, son image en serait ternie d'un jour à l'autre et le pays ne s'en relèverait pas.

La semaine dernière, l'Association des exportateurs de riz a essayé d'expliquer au Premier ministre pourquoi l'OPER serait techniquement irréaliste. Pour commencer, contrairement au pétrole, le riz pourrit. M. Samak n'a rien voulu entendre, pas plus que son vice-Premier ministre et ministre du Commerce, Mingkwan Saengsuwan, qui s'est autodésigné organisateur en chef de l'OPER. Deuxième argument, le riz est une denrée renouvelable et durable. Le sous-sol saoudien renferme du pétrole, mais on peut faire pousser du riz à peu près partout dans le monde. Jusqu'à il y a vingt ans, les Etats-Unis vendaient du riz au reste de la planète. M. Samak devrait réfléchir à la loi des conséquences imprévues, car, si la Thaïlande tente de créer des pénuries artificielles, le reste du monde n'aura qu'à planter du riz et nous concurrencer. Concurrence, voilà le maître mot. La Thaïlande a brillamment su commercialiser son riz parfumé dans le monde entier. Elle peut accroître sa part de marché par de nombreuses méthodes : former des coopératives régionales avec les pays voisins, exporter des plats et des restaurants dans le monde entier, etc. Il est temps de renoncer à l'idée d'un cartel du riz, pour mieux relancer l'effort d'exportation de la nourriture et de la cuisine thaïes. Nous avons là une vraie source de profits, éprouvée et parfaitement morale

En Somalie, la répression des "émeutes de la faim" fait plusieurs victimes


Alors que des milliers de Somaliens manifestaient, lundi 5 mai, dans les rues de Mogadiscio contre le prix des denrées alimentaires et l'inflation – parfois violemment, avec jets de pierres et bris de vitrines –, les forces de sécurité somaliennes ont ouvert le feu sur la foule, tuant entre une et cinq personnes, selon les sources, et faisant plusieurs blessés.

Depuis le matin, entre 7 000 et 20 000 personnes protestaient dans les rues de la capitale contre l'hyper-inflation et les pratiques de nombreux commerçants qui imposent le dollar dans les échanges au lieu du shilling somalien, dont le cours a été pratiquement divisé par deux depuis un an. Une dévaluation spectaculaire qui serait en partie liée à l'abondance de billets contrefaits. "Les commerçants ont refusé les vieux billets. Les prix de la nourriture sont élevés et nous n'avons rien à manger. Nous manifesterons jusqu'à ce que les commerçants acceptent nos billets et nous vendent de la nourriture", a déclaré un des manifestants.

IMPACT PLUS VIF DE LA CRISE MONDIALE

Quelque 2,6 millions de Somaliens ont actuellement besoin d'aide pour se nourrir. Un nombre qui a augmenté de 40 % depuis janvier, selon les chiffres de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). L'ONU s'est récemment inquiétée des conséquences dramatiques de la dévaluation du shilling somalien de 100 % ces quinze derniers mois et d'une inflation galopante. La Somalie est en guerre civile depuis 1991, et sa capitale est le théâtre de combats quasi quotidiens entre des insurgés islamistes et les forces gouvernementales. Aujourd'hui, le pays n'a plus d'institutions centralisées, notamment de banque centrale capable de réguler la masse monétaire en circulation.

Cette particularité rend encore plus vif l'impact de la flambée des cours mondiaux de l'alimentation dans ce pays, où plusieurs "émeutes de la faim" ont déjà éclaté au cours des six derniers mois. Les prix des céréales y ont augmenté de 110 % à 375 % depuis un an. Depuis janvier, à Mogadiscio, le prix du kilo de farine de maïs est passé de 12 cents à 25 cents, le prix d'un sac de 50 kilos de riz de 26 dollars à 47,50 dollars.

Un cartel des pays exportateurs de riz ?


Le gouvernement thaïlandais a contacté le Cambodge, le Laos, le Mynamar et le Vietnam pour créer un cartel des principaux États exportateurs de riz. Le but du cartel, inspiré de l’OPEP pour le pétrole, serait d’augmenter les marges en diminuant la concurrence.

Déjà le riz thaï a triplé de valeur en un an. L’impact d’un tel cartel pour la Chine et l’Inde (les principaux producteurs, mais qui exportent peu) est difficile à évaluer. Une hausse des cours mondiaux aurait de toute manière pour effet mécanique d’aspirer la production vers l’export. D’ores et déjà, pour protéger son marché intérieur, l’Inde a interdit l’export du riz non-basmati (le basmati est un riz de qualité supérieure cultivé pour l’export).

Ce projet de cartel est conspué dans certains pays asiatiques qui craignent qu’il contribue à la généralisation de la famine. Cependant, les autorités thaïlandaises font observer qu’elles n’ont aucune responsabilité dans la crise alimentaire mondiale, laquelle provient principalement
des transformations agricoles structurelles imposées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ;
de la hausse conjoncturelle des prix des engrais (dérivés du pétrole) imputables à la guerre anglo-saxonne en Irak ;
et du détournement des surfaces cultivables pour la fabrication de biocarburants utilisés en Occident.

La Bad mobilise un milliard de $ supplémentaire pour répondre à la crise alimentaire en Afrique


Le portefeuille agricole de la Bad porté à 4,8 milliards de $

Tunis, le 2 mai 2008 – Le président du Groupe de la Banque africaine de développement (Bad), Donald Kaberuka, a annoncé, vendredi 2 mai 2008 à Tunis, que le Groupe de la Bad mobilisera un milliard de dollars supplémentaire qui portera à 4,8 milliards de $ son portefeuille agricole actuel pour faire face à la crise alimentaire qui sévit dans plusieurs pays africains.

Dans une déclaration aux médias, M. Kaberuka a également indiqué que, dans le cadre de son plan d’action à court terme, que la Bad restructurerait son portefeuille en vue de dégager environ 250 millions de dollars, sous forme de décaissements rapides, pour l’achat des intrants et des engrais qui seront requis au cours des douze prochains mois.

Il a exhorté les pays exportateurs de céréales à ne pas suspendre leurs exportations de riz et de blé à cause des risques dramatiques auxquels ces entraves au libre jeu du marché exposeront près de 150 millions de personnes vivant dans les Etats fragiles, et particulièrement les malades et les vieilles personnes.

Rappelant que la Bad a constamment appuyé le secteur agricole dans ses pays membres régionaux, comme en témoigne son portefeuille agricole actuel à hauteur de 3,8 milliards de dollars, M. Kaberuka a indiqué que la crise alimentaire requiert des actions à court et à long termes.

Il a également déclaré que la Bad s’attelait à trouver le moyen d’aider les pays les plus touchés, en étudiant des moyens de leur fournir des appuis budgétaires supplémentaires.

Le plan d’action de la Bad repose également sur le développement de l’utilisation des engrais. Le conseil des gouverneurs de la Bad a récemment autorisé l’institution à abriter le fonds fiduciaire du Mécanisme africain pour les engrais destiné à mobiliser les ressources des donateurs pour financer la production, la distribution, l’acquisition et l’utilisation d’engrais en Afrique.

Ce mandat avait été confié à la Bad dès le Sommet de la « Révolution verte africaine » de 2006, qui avait reconnu l’importance stratégique des engrais pour la réalisation de la révolution verte africaine, destinée à éradiquer la faim sur le continent. Pour y arriver, le Mécanisme africain pour les engrais prévoit d’augmenter l’utilisation des engrais d’une moyenne actuelle de 8 kg par hectare seulement à une moyenne d’au moins 50 kg par hectare en 2015.

Le président Kaberuka a réitéré à cet égard l’importance des infrastructures pour la résolution de la crise, soulignant que les pertes post-récoltes atteignaient 40 %, alors même qu’une réduction de 10 % de ces pertes suffirait à engranger 5 millions de tonnes supplémentaires de céréales.

Il a ainsi mis en exergue la priorité qu’accordait la Bad au développement des infrastructures (routes, ponts, etc.) au regard de son rôle crucial dans le désenclavement des arrière-pays et leur raccordement aux centres commerciaux, dans l’amélioration des revenus des agriculteurs et la réduction importante des pertes post-récoltes.

Le président Kaberuka a remercié les pays donateurs qui ont bien voulu apporter leur contribution pour atténuer dans une large mesure, l’impact de la crise sur les couches vulnérables du continent et ailleurs. Il a précisé que le Groupe de la Bad travaillait avec ses partenaires afin de répondre rapidement et efficacement, en notant toutefois que la crise est aussi un moment opportun pour l’Afrique de réfléchir sur son ordre du jour à long terme en matière de révolution verte.

M. Kaberuaka a récemment mis en place, au niveau de la Bad, un groupe de travail chargé de faire le point sur la situation alimentaire dans toutes les régions du continent afin de guider les actions de l'institution sur cette crise, dans l’immédiat et à long terme.

Crise alimentaire : le président sénégalais demande la suppression de la FAO - Organisations internationales


Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a réclamé, dimanche 4 mai, à Dakar, la suppression de l'Organisation de l'ONU pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), en estimant que la crise alimentaire mondiale actuelle était "largement son échec".

"En dépit de tous les mérites de son directeur général (...), c'est l'institution FAO qui doit être mise en cause", a affirmé le président Wade dans une déclaration radiotélévisée sur la hausse des prix des denrées alimentaires. "Cette institution aux activités dupliquées par d'autres, apparemment plus efficaces (...), est un gouffre d'argent largement dépensé en fonctionnement pour très peu d'opérations efficaces sur le terrain", a-t-il accusé.

Il a ajouté avoir "longtemps réclamé" le transfert en Afrique de cette institution basée à Rome, actuellement dirigée par le Sénégalais Jacques Diouf, dont "rien ne justifie [la] présence aujourd'hui en pays développé" selon M. Wade. "Cette fois, je vais plus loin, il faudrait la supprimer", a-t-il martelé. Plusieurs initiatives ont été prises en faveur des pays menacées lorsque la communauté internationale a réalisé "brutalement" qu'il y avait crise alimentaire, selon lui.

LE SÉNÉGAL FRAPPÉ PAR LA HAUSSE DES PRIX

La FAO a ainsi réclamé 1,7 million de dollars "pour une initiative d'urgence de distribution de semences et d'engrais", tandis que le Fonds international de développement agricole (FIDA, autre institution de l'ONU) a promis "200 millions de dollars [pour] des cultivateurs pauvres des pays les plus touchés", a-t-il indiqué.

Le Sénégal est touché de plein fouet par la hausse des matières premières. Le président Wade a annoncé avoir lancé avec l'Inde "un plan d'irrigation" visant 240 000 hectares de terres afin de produire du riz dans la vallée du fleuve Sénégal. Provenant entièrement d'Asie (pour 70 % de Thaïlande), principale nourriture du pays, le riz importé a enregistré ces dernières semaines une envolée de son prix, devenant hors de portée des Sénégalais, dont le pouvoir d'achat s'est beaucoup réduit.

Le 1er mai, quelque 10 000 personnes protestant contre la forte hausse des produits de première nécessité ont défilé, à Dakar, en scandant "président, nous sommes fatigués ! Le pays est cher !". "Trop, c'est trop ! Non à la cherté de la vie", pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants réunis à l'appel de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), la principale centrale syndicale du pays.

L'Inde va fournir du riz au Sénégal pendant les 6 prochaines années


Le Sénégal a lancé avec l'Inde "un plan d'irrigation" visant 240 000 hectares de terres pour produire du riz dans la vallée du fleuve Sénégal, a annoncé dimanche soir à Dakar le président Abdoulaye Wade dans une déclaration radiotélévisée sur la hausse des prix des denrées alimentaires.

Le 23 avril, M. Wade avait annoncé que l'Inde allait fournir au Sénégal 600 000 tonnes de riz nécessaires pour sa consommation annuelle, et ce pendant six ans. Il avait expliqué que ce délai de six ans permettrait à son pays de faire sa révolution agricole, notamment en développant la culture du riz "pour être totalement indépendant" et arriver à réduire le prix de cette céréale très prisée localement. Dimanche, il a rappelé avoir lancé la "grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance (Goana)", un plan visant l'autosuffisance alimentaire et "pour libérer (les Sénégalais) de la tyrannie du riz, introduit par le colonisateur".

Des agronomes estiment que les milliers d'hectares de terres arables de la vallée du fleuve Sénégal demeurent sous-exploitées. Le riz qui est produit dans cette zone ainsi qu'en Casamance peine à satisfaire 20 % des besoins, et est souvent vendu plus cher que le riz importé. Provenant entièrement d'Asie (pour 70 % de Thaïlande), le riz importé a enregistré ces dernières semaines une envolée de son prix, devenant hors de portée des Sénégalais, dont le pouvoir d'achat s'est beaucoup réduit.

Emeutes de la faim, pourquoi il faut annuler la dette


Après le discours prononcé par Nicolas Sarkozy sur l’aide au développement lors de la réunion sur le climat le 18 avril, Pauline Imbach, 25 ans, animatrice d’ONG répond au Président sur le site du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (www.cadtm.org). Elle dénonce «l’hypocrisie» de l’annonce d’un doublement de l’aide alimentaire alors qu’explose le nombre d’émeutes de la faim.

Pauline Imbach. «Monsieur le Président, vous avez déclaré, nous tirant presque des larmes : “Y a-t-il un seul parmi nous qui peut rester indifférent à la révolte de ceux qui, dans les pays du Sud, ne peuvent plus manger à leur faim ?” Ainsi la France doublera “dès cette année son enveloppe d’aide alimentaire en la portant à 60 millions d’euros pour 2008” pour faire face à la crise alimentaire mondiale. 60 millions d’euros, dites-vous…

Le premier point important consiste à relativiser la générosité du montant que vous annoncez. En effet, les sommes envoyées chaque année par les migrants originaires des pays du Sud, qui profitent directement aux populations sur place, sont estimées au niveau mondial à 195 milliards d’euros en 2006. Ces flux financiers solidaires privés représentent, pour la même année, en Côte- d’Ivoire 183 millions d’euros, au Burkina Faso 329 millions d’euros, en Haïti 680 millions d’euros et en Egypte 2.359 millions d’euros. Ces pays, qui connaissent actuellement des émeutes de la faim, reçoivent donc entre 3 et 36 fois plus de la part de leurs ressortissants émigrés que de l’aide alimentaire que vous annoncez en fanfare.

Le deuxième point porte sur l’aide publique au développement (APD) en général. Dès 1970, les pays riches s’étaient engagés à porter leur APD à 0,7% de leur revenu national brut (RNB). Pourtant, en 2007, l’aide de la France est estimée à seulement 0,4% du RNB. Si l’on ajoute que les manipulations statistiques concernant l’APD sont faciles et fréquentes, on voit que le montant annoncé ne reflète en rien les sommes nouvellement libérées pour le développement. Nous voilà très loin des engagements pris il y a maintenant trente-huit ans!

Le troisième point porte sur le contenu de cette aide publique au développement, ce qui revient à se poser la question du montant réel transféré aux populations du Sud. En effet, environ 32% de l’APD française est constitué de remises sur des dettes dont la majeure partie est illégitime et odieuse. Cette dernière notion juridique de dette a d’ailleurs fait l’objet de deux rapports rendus en 2007 par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la Banque mondiale. Selon le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), ces dettes doivent être annulées unilatéralement et sans condition par la France car elles n’ont pas profité aux populations du Sud et ont été contractées avec la complicité des autorités françaises de l’époque. En 2006, la Norvège a reconnu sa responsabilité dans l’endettement illégitime de cinq pays (Equateur, Egypte, Jamaïque, Pérou et Sierra Leone), et a décidé d’annuler unilatéralement une part des créances qu’elle détient envers ces pays à hauteur de 62 millions d’euros. La seule issue acceptable pour la France consiste à réaliser un audit de la dette, sous la responsabilité de l’Etat, avec la participation de délégués des organisations de solidarité Nord-Sud qui ont fait la preuve d’une expertise en matière de dette. Hors remises de dette, l’APD française tombe alors à 0,27% du RNB!

Le bluff ne s’arrête pas là. L’APD comporte des “prêts concessionnels”, c’est-à-dire des prêts accordés à un taux inférieur à celui du marché. Ces sommes prêtées, majorées des intérêts, doivent être remboursées intégralement par les pays en développement. Ainsi, entre 1996 et 2003, en ce qui concerne les créances bilatérales à taux préférentiel, les pays en développement ont remboursé 20 milliards d’euros de plus qu’ils n’ont reçu en nouveaux prêts. Derrière l’étiquette “d’aide”, l’APD accroît l’endettement des pays du tiers-monde, alors que la dette est l’un de principaux obstacles à la satisfaction des besoins humains fondamentaux.Enfin, l’APD est un véritable fourre-tout: elle comprend les salaires des expatriés travaillant dans le cadre de la coopération, les frais de scolarité de leurs enfants dans les écoles françaises, les dépenses liées à la scolarité des étudiants du Sud dans un pays riche (alors que rien ne garantit que leurs pays en profiteront un jour), les frais “d’accueil” des étrangers par exemple, les frais de fonctionnement de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et, les apports de la France aux agences multilatérales (Banque mondiale, FMI…). Rappelons également qu’une partie de l’aide constitue de l’aide liée car elle revient aux pays donateurs, entre autres par l’achat d’aliments, de médicaments, d’équipements et de services provenant du Nord.

Notons, pour finir, que les principaux bénéficiaires de l’APD sont des pays à revenu intermédiaire alliés aux grandes puissances. Toutes ces précisions montrent qu’il est indécent de votre part d’affirmer une quelconque “générosité” ou “compassion”. Pour terminer ce courrier, je me permets de vous donner quelques conseils: réformez l’aide publique au développement, tenez vos engagements sur cette aide, arrêtez de soutenir des dictateurs qui affament leurs populations, annulez sans conditions les dettes illégitimes et odieuses de ces pays et versez des réparations aux peuples du Sud que la France, comme les autres métropoles coloniales, exploite sous différentes formes depuis des siècles.

Monsieur le Président, il est temps de prendre vos responsabilités car, derrière le cynisme des effets d’annonce, des gens ont faim et leurs souffrances sont bien plus réelles que vos réalisations effectives en leur faveur. Par les hautes fonctions que vous occupez depuis longtemps, vous portez une grande part de responsabilité. Monsieur le Président, comme vous l’avez dit à l’ONU le 25 septembre 2007, “les pauvres et les exploités se révolteront un jour contre l’injustice qui leur est faite”. J’espère que ce jour viendra vite.»

dimanche 4 mai 2008

Les paysans sont capables de vaincre la faim – si on les laisse faire


Pour trouver des solutions structurelles à la crise alimentaire mondiale, il n’est pas nécessaire d’aller chercher bien loin. Le modèle de l’agriculture vivrière est connu de tous. En Suisse, l’expérience du magasin-garage de Rudolfstetten montre qu’il est possible de revenir à ce mode d’exploitation tout en l’adpatant aux conditions de vie actuelles.

Les effets secondaires nuisibles de la crise immobilière aux USA ont leurs répercussions dans le secteur alimentaire. Car après la crise immobilière l’argent des fonds de pensions par exemple est investi dans le secteur alimentaire. Les conséquences en sont que les céréales, avant d’arriver au moulin passent par plusieurs mains de spéculateurs.

En Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Sénégal, à Haïti, au Mexique et à d’autres endroits des émeutes violentes causant de nombreux blessés et des morts ont éclaté à cause des fortes augmentations du prix du blé, du maïs et du riz. Dans divers pays asiatiques les tensions sociales augmentent. Les plus pauvres des pauvres se défendent contre l’augmentation des prix de leurs aliments de base qui ont explosé en l’espace de quelques mois et qui sont devenus inabordables pour leur alimention.

Maintenant, des transformations radicales sont exigées dans la production agraire. C’est la conclusion tirée aussi par le Conseil mondial de l’agriculture, soutenu aussi par la Suisse, dans un rapport qui a été soumis à l’Unesco. Ce rapport dit qu’avec la libéralisation du commerce dans le secteur alimentaire, les pays les plus pauvres sont les perdants. L’exploitation intensive des monocultures et des plantes génétiquement modifiées augmenterait bien la production, mais les bénéfices, ce sont des autres qui les encaissent, pas les agriculteurs. Des experts mettent en garde contre les dangers de la biotechnologie et la production de carburants « bio ». Avec des plantes génétiquement modifiées, les pratiques locales de la culture et les plantes locales seront évincées et les petits paysans passent à la trappe.

Face aux prix qui augmentent et à la pénurie des aliments sur le marché mondial, c’est une nécessité actuelle de revenir au ravitaillement régional par les petits paysans. Retournons donc au ravitaillement local et réjouissons-nous d’un projet réussi « Le magasin-garage » de la famille Schabrun à Rudolfstetten (Suisse).

Des légumes et des fruits frais

Acheter des produits agricoles directement chez le producteur, il n’y a pas plus frais et on sait ce qu’on a. Toujours plus de paysans vendent leurs produits directement à la clientèle intéressée. Ainsi font Monsieur et Madame Schabrun. Dans notre village, derrière le cimetière, ils exploitent avec amour et joie bon an mal an un grand bout de terrain. Dans ce terrain poussent haricots, petits pois, choux-fleurs, choux-raves, salades et radis et autres légumes. En automne ils plantent poireaux, choux rampon et bien d’autres choses. Bien que le couple de paysans ait près de 70 ans, ils ne rechignent pas devant le travail souvent pénible. Depuis qu’ils n’ont plus de ferme, ils trouvent du plaisir dans le jardinage.

Pendant des décennies ils ont été fermiers à bail dans une ferme. Ils avaient des vaches et ils ont cultivé la terre. Quand quelqu’un venait à la ferme pour demander des pommes de terres ou du lait, ils leur donnaient ce qui leur restait. Au fil du temps les gens ont aussi demandé de la salade ou des cerises et des baies. Ainsi cela s’est redit qu’on pouvait acheter des produits frais chez les Schabrun.

Il y a dix ans, lorsque la nouvelle place publique a été inaugurée, nos paysans avaient pour la première fois un stand de légumes. Les gens ont apprécié de pouvoir faire leurs achats directement chez le paysan qu’ils connaissaient. Et depuis on trouve tous les vendredis des légumes frais de saison, directement de la ferme. Au fil des ans une fidèle clientèle s’est formée par le bouche-à-oreille et le choix s’est agrandi.

Il y a cinq ans, la famille Schabrun a quitté la ferme et habite maintenant une maison dans le quartier résidentiel. Mais ils ne voulaient pas abandonner leur « hobby ». Ils ont loué 15 ares de terre où ils continuent à cultiver beaucoup de variétés de légumes : Petits pois, pois mange-tout, haricots, brocolis, salades, radis, céleris, poireaux, fenouils et j’en passe.

Le magasin-garage

Le jeudi, les Schabrun sont au champ et récoltent les légumes pour le jour de vente, le vendredi. Ils vident le garage et préparent les pommes de terre, les oignons, la salade et les fruits dans des cageots. Le vendredi matin, à quatre heures, Monsieur Schabrun va au Fricktal chercher dans la ferme de sa fille du pain paysan fraîchement cuit et les fruits. Lorsqu’on arrive à 6 heures au magasin, le pain frais répand une bonne odeur. A côté du pain on trouve des cartons pour les œufs qu’on remplit soi-même. Bien sûr, sur les étagères on
trouve aussi de la confiture, de l’eau-de-vie faite maison, du baume de soucis, des pâtes faites maison et
bien d’autres choses. Une fois par mois il y a de la viande de veau et du poulet.

Le magasin est une coopérative. Les deux filles sont elles-mêmes des paysannes. L’une livre de la viande de veau bio frais, l’autre le pain paysan et les fruits. Du frère, au village voisin, viennent les œufs et les pommes de terre. Les paysans ne se plaignent pas de maux de dos. Le travail leur donne de la joie et cela se sent, chaque fois qu’on vient sur place. C’est connu dans le village entier que chez les Schabrun on peut acheter des choses fraîches et pas chères. Il y a aussi des jeunes femmes avec des enfants qui viennent. Une jeune mère demande pourquoi il n’y avait pas de brocoli. Madame Schabrun lui explique que les brocolis ne sont pas de saison et qu’on en vendra le temps voulu. La jeune femme ne savait pas à tel ou tel moment quel légume peut être récolté.

Le vendredi soir, on range tout, les cageots sont empilés. Quand Monsieur et Madame Schabrun ferment la porte du garage, ils sont contents et pas fatigués du tout. Servir beaucoup de clients satisfaits dans leur petit magasin est pour eux aussi une satisfaction. Cette année ils ont un nouveau projet : ils ont encore loué un bout de terre et planté des framboisiers et des mûriers et de la rhubarbe. Ainsi on espère encore bien des jours ensoleillés pour que les baies puissent bien mûrir et que nous puissions faire nos courses, les vendredis matins d’été dans le magasin-garage.

Face aux prix qui augmentent et à la pénurie des aliments sur le marché mondial, c’est une nécessité actuelle de revenir au ravitaillement régional par les petits paysans. Ursula Felbe

La famine mondiale


Par Michel Chossudovsky, Global Research

En cette époque d'après-guerre froide, l'humanité est confrontée à une crise économique et sociale d'une ampleur sans précédent et qui entraîne un appauvrissement rapide de larges secteurs de la population mondiale. Les économies nationales s'effondrent, le chômage est endémique. Des famines se déclarent en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et dans certaines parties de l'Amérique latine. Cette « mondialisation de la pauvreté, » qui a annulé bon nombre des progrès de la décolonisation d'après-guerre, a commencé dans le tiers-monde avec la crise de la dette du début des années 1980 et l'imposition des réformes économiques meurtrières du Fonds monétaires international (FMI). Ce Nouvel Ordre Mondial se nourrit de la pauvreté humaine et de la destruction de l'environnement. Il engendre la ségrégation sociale, il encourage le racisme et les conflits ethniques et s'attaque aux droits des femmes et il précipite souvent les pays dans des affrontements destructeurs entre les nationalités. Depuis les années 1990, il s'étend, par l'entremise du « libre marché », dans toutes les régions du monde y compris l'Amérique du Nord, l'Europe occidentale, les pays de l'ex-bloc soviétique et les « nouveaux pays industriels » (NPI) de l'Asie du Sud-est et de l'Extrême-Orient. Cette crise planétaire est encore plus dévastatrice que la Grande Dépression des années 1930. Elle a de lourdes conséquences géopolitiques; le démembrement économique donne lieu à des guerres régionales, à la fracture des sociétés nationales et, dans certains cas, à l'anéantissement de pays. Elle constitue de loin la plus grave crise économique des temps modernes. (Livre de Michel Chossudovsky intitulé : Mondialisation de la pauvreté et le nouvel ordre mondial)


Introduction

La famine est le résultat d'un processus de restructuration en « marché libre » de l'économie mondiale qui prend ses assises dans la crise de la dette du début des années 1980. Ce n'est pas un phénomène récent, tel qu'il a été suggéré par plusieurs reportages des médias occidentaux, en se concentrant strictement sur l'offre et la demande à court terme des produits agricoles de base.

La pauvreté et la sous-alimentation chronique sont des conditions qui préexistaient avant les récentes hausses des prix des produits alimentaires. Ces derniers frappent de plein fouet une population appauvrie, qui a à peine les moyens de survivre.

Des émeutes de la faim ont éclaté presque simultanément dans toutes les grandes régions du monde:

« Les prix des denrées alimentaires en Haïti a augmenté en moyenne de 40 % en moins d'un an, avec le coût des produits de première nécessitée tels que le riz qui a doublé... Au Bangladesh, [à la fin avril 2008] quelques 20,000 travailleurs du textile sont descendus dans la rue pour dénoncer l'augmentation vertigineuse des prix des produits alimentaires et aussi pour demander des salaires plus élevés. Le prix du riz dans le pays a doublé au cours de la dernière année, menaçant les travailleurs qui gagnent un salaire mensuel de seulement 25 $ et qui ont faim. En Égypte, des protestations de travailleurs concernant les prix des produits alimentaires a secoué le centre industriel du textile de Mahalla al-Kobra, au nord du Caire, pendant deux jours la semaine dernière, où deux personnes ont été abattues par les forces de sécurité. Des centaines de personnes ont été arrêtées et le gouvernement a envoyé des policiers en civil dans les usines pour forcer les travailleurs à travailler. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 40% en Égypte au cours de la dernière année... Plus tôt ce mois-ci, en Côte d'Ivoire, des milliers de personnes ont marché vers la maison du président Laurent Gbagbo, scandant « nous sommes affamés » et « la vie est trop cher, vous allez nous tuer.

Des manifestations de même nature ainsi que des grèves et des affrontements sont survenus en Bolivie, au Pérou, au Mexique, en Indonésie, aux Philippines, au Pakistan, en Ouzbékistan, en Thaïlande, au Yémen, en Éthiopie et à travers la majeure partie de l'Afrique subsaharienne. » (Bill Van Auken, Amid mounting food crisis, governments fear revolution of the hungry, Global Research, April 2008)

Avec de grands pans de la population mondiale déjà bien en dessous du seuil de pauvreté, la hausse des prix des denrées alimentaires de base qui se produit sur une courte période est dévastatrice. Des millions de personnes dans le monde sont dans l'incapacité d'acheter de la nourriture pour leur survie

Ces augmentations contribuent d'une manière très réelle à « éliminer les pauvres » à travers « la mort par la famine. » Dit dans les mots de Henry Kissinger: « Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlerez la population. »

À cet égard, Kissinger a fait savoir à travers le « Mémorandum d'études sur la sécurité nationale de 1974: Les implications de la croissance de la population mondiale sur la sécurité et les intérêts étrangers des États-Unis, » que des famines récurrentes pourraient constituer de facto un instrument de contrôle de la population.

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, le prix des céréales a augmenté de 88% depuis mars 2007. Le prix du blé a augmenté de 181% sur une période de trois ans. Le prix du riz a augmenté de 50% dans les trois derniers mois (Voir Ian Angus, Food Crisis: "The greatest demonstration of the historical failure of the capitalist model", Global Research, April 2008):

« La plus populaire variété de riz de la Thaïlande se vendait il y a 5 ans 198 $ US et à 323 $ la tonne l'an dernier. En avril 2008, le prix a atteint 1000 $. Les augmentations sont encore plus élevées sur les marchés locaux; en Haïti, le prix d'un sac de 50 kilos de riz a doublé en une semaine à la fin mars 2008. Ces augmentations sont catastrophiques pour les 2,6 milliards de personnes dans le monde qui vivent avec moins de 2 $ US par jour et qui consacrent de 60% à 80% de leurs revenus à l'alimentation. Des centaines de millions de personnes n'ont pas les moyens de manger » (Ibid)

Deux dimensions interdépendantes

Il y a deux dimensions interdépendantes dans la crise alimentaire mondiale en cours, qui plonge des millions de personnes à travers le monde dans la famine et la privation chronique, une situation où des pans entier de la population n'ont plus les moyens d'acheter de la nourriture.

Tout d'abord, il y a un processus historique à long terme de politiques de réforme macroéconomiques et de restructuration économique mondiale, qui a contribué à baisser le niveau de vie partout dans le monde, autant dans les pays développés que dans les pays en développement.

Deuxièmement, ces conditions historiques préexistantes de pauvreté de masse ont été exacerbées et aggravées par la récente flambée des prix des céréales, qui a entraîné dans certains cas, le doublement du prix de détail des denrées alimentaires de base. Ces hausses de prix sont en grande partie le résultat de la spéculation boursière sur les denrées alimentaires de base.

La soudaine augmentation spéculative sur le prix des céréales
Les médias ont induit en erreur l'opinion publique sur les causes de ces hausses de prix, en se concentrant presque exclusivement sur la question des coûts de production, le climat et d'autres facteurs qui ont pour effet de réduire l'offre et qui pourraient contribuer à gonfler les prix des aliments de base. Bien que ces facteurs puissent entrer en jeu, ils ont un lien limité pour expliquer l'impressionnante et spectaculaire hausse des prix des produits de base.

L'escalade des prix des produits alimentaires est en grande partie le résultat d'une manipulation du marché. Elle est en grande partie attribuable à la spéculation boursière sur les marchés des matières premières. Les prix des céréales sont artificiellement gonflés par la spéculation à grande échelle sur les opérations des marchés boursiers de New York et de Chicago. Il est intéressant de noter qu'en 2007, le Chicago Board of Trade (CBOT), a fusionné avec le Chicago Mercantile Exchange, formant la plus importante entité au monde traitant dans le commerce des produits de base et comptant un large éventail d'instruments spéculatifs (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels, etc.)

Des transactions spéculatives sur le blé, le riz ou le maïs, peuvent se produire sans qu'il y ait de transactions réelles de ces produits.

Les institutions qui actuellement spéculent sur le marché des céréales ne sont pas nécessairement impliquées dans la vente ou la livraison des grains. Les transactions peuvent se faire par fonds indiciels qui permettent de parier sur la hausse ou la baisse en général de la variation des prix des marchandises.

Une « option de vente » est un pari que les prix vont baisser, une « option d'achat » est un pari que les prix vont augmenter. Grâce à la manipulation concertée, les opérateurs institutionnels et les institutions financières font augmenter les prix, et alors ils placent leurs paris sur la hausse du prix d'un produit en particulier. La spéculation génère la volatilité du marché. À son tour, l'instabilité qui en résulte encourage la poursuite de l'activité spéculative.

Les bénéfices sont réalisés lorsque le prix monte. En revanche, si le spéculateur est un short-selling (1), le bénéfice sera réalisé lorsque le prix diminuera.

Cette récente flambée spéculative des prix des denrées alimentaires a engendré un processus mondial de création de la famine à une échelle sans précédent.

Ces opérations spéculatives ne devraient pas pouvoir engendrer délibérément la famine. Ce qui cause la famine est l'absence de procédures réglementaires relatives au commerce spéculatif (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels). Dans le contexte actuel, un gel des transactions spéculatives sur les produits alimentaires de base, décrété par décision politique, contribuerait immédiatement à faire baisser les prix des produits alimentaires.

Rien n'empêche que ces opérations soient neutralisées et désamorcées par un ensemble soigneusement élaboré de mesures réglementaires.

Visiblement, ce n'est pas ce qui est proposé par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).

Le rôle du FMI et de la Banque mondiale
La Banque mondiale et le FMI ont présenté un plan d'urgence, afin d'accroître l'agriculture en réponse à la « crise alimentaire. » Cependant, les causes de cette crise ne sont pas prises en compte.

Robert B. Zoellick, le président de la Banque mondiale décrit cette initiative comme un « new deal, » un plan d'action « pour un accroissement à long terme de la production agricole, » qui consiste entre autres à doubler les prêts agricoles pour les agriculteurs africains.

« Nous devons mettre de la nourriture dans des bouches qui ont faim. C'est aussi abrupt que cela. » (Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, citée par Le Figaro, le 14 avril 2008)

La « médecine économique » du FMI et de la Banque mondiale n'est pas la « solution, » elle est plutôt en grande partie la « cause » de la famine dans les pays en développement. Plus le FMI et la Banque mondiale prêtent « pour accroître l'agriculture » et plus ils augmenteront les niveaux d'endettement.

La « politique de prêts » de la Banque mondiale consiste à accorder des prêts à la condition que les pays se conforment à l'agenda politique néolibérale qui, depuis le début des années 1980, a été propice à l'effondrement de l'agriculture alimentaire locale.

La « stabilisation macro-économique » et les programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale aux pays en développement (comme condition de renégociation de leur dette extérieure) ont conduit à l'appauvrissement de centaines de millions de personnes.

Les dures réalités économique et sociale derrières les interventions du FMI sont les causes à l'augmentation démesurée des prix des produits alimentaires, des famine au niveau local, des licenciements massifs de travailleurs urbains et de fonctionnaires et de la destruction des programmes sociaux. Le pouvoir d'achat interne s'est effondré, les cliniques de santé contre la famine et les écoles ont été fermées, des centaines de millions d'enfants ont été privés du droit à l'enseignement primaire.

La déréglementation des marchés céréaliers

Depuis les années 1980, les marchés céréaliers ont été déréglementés sous la supervision de la Banque mondiale et des surplus céréaliers des États-Unis et de l'Union européenne ont systématiquement été utilisés pour détruire la paysannerie et pour déstabiliser l'agriculture alimentaire nationale. À cet égard, les prêts de la Banque mondiale exigent la levée des barrières commerciales sur les importations de produits agricoles de base, conduisant au dumping des surplus céréaliers des États-Unis et de l'Union européenne sur le marché local. Ces mesures et d'autres ont mené les producteurs agricoles locaux à la faillite.

Un « marché céréalier libre, » imposé par le FMI et la Banque mondiale, détruit l'économie paysanne et affaibli la « sécurité alimentaire. » Le Malawi et le Zimbabwe étaient auparavant des pays prospères en excédent céréalier, le Rwanda était pratiquement autosuffisant en matière alimentaire jusqu'à 1990, date à laquelle le FMI a ordonné le dumping des excédents céréaliers de l'Union européenne et des États-Unis sur le marché intérieur, précipitant ainsi les petits agriculteurs en faillite. En 1991-1992, la famine a frappé le Kenya, un pays qui connaissait un succès pour ses surplus céréaliers. Le gouvernement de Nairobi avait précédemment été mis sur une liste noire pour ne pas avoir obéi à des recommandations du FMI. La déréglementation du marché des céréales a été exigée comme une des conditions pour le rééchelonnement de la dette extérieure de Nairobi avec les créanciers officiels du Club de Paris. (Livre de Michel Chossudovsky, Mondialisation de la pauvreté et le nouvel ordre mondial)

Dans toute l'Afrique, ainsi qu'en Asie du Sud-est et en Amérique latine, le modèle des « ajustement structurel » dans l'agriculture sous la tutelle des institutions de Bretton Woods a servi de manière sans équivoque à la disparition de la sécurité alimentaire. La dépendance vis-à-vis du marché mondial a été renforcée entraînant une augmentation des importations de céréales commerciales, ainsi qu'une augmentation de l'afflux « d'aide alimentaire. »

Les producteurs agricoles ont été encouragés à abandonner l'agriculture alimentaire et à se convertir dans des cultures de « haute valeur » à des fins d'exportation, souvent au détriment de l'autosuffisance alimentaire. Les produits de grande valeur ainsi que les cultures à des fins d'exportation ont été soutenus par des prêts de la Banque mondiale.

Les famines à l'ère de la mondialisation sont le résultat de politique. La famine n'est pas la conséquence d'un manque de nourriture, c'est en fait tout le contraire: les surplus alimentaires mondiaux sont utilisés pour déstabiliser la production agricole dans les pays en développement.

Strictement réglementée et contrôlée par l'industrie agroalimentaire internationale, cette offre excédentaire est finalement propice à la stagnation de la production et de la consommation des produits alimentaires de base essentiels et à l'appauvrissement des agriculteurs dans le monde. En outre, en cette époque de mondialisation, les programmes d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale ont un lien direct sur le processus de développement de la famine, car ils affaiblissent systématiquement toutes les catégories d'activités économiques urbaines ou rurales, qui ne servent pas directement les intérêts du marché mondial.

Les revenus des agriculteurs dans les pays riches et dans les pays pauvres sont réduits par une poignée d'industriels du secteur de l'agroalimentaire mondial qui en même temps contrôlent les marchés des céréales, les intrants agricoles, les semences et la transformation des aliments. La géante société Cargill Inc avec plus de 140 filiales et sociétés affiliées à travers le monde contrôle une part importante du commerce international des céréales. Depuis les années 1950, Cargill est devenue le principal contractant pour « l'aide alimentaire » des États-Unis financée par la Loi Publique 480 (1954).

L'agriculture mondiale a pour la première fois de l'histoire, la capacité de satisfaire les besoins alimentaires de toute la planète, mais la nature même du marché mondial de ce système ne permet pas que ça se réalise. La capacité de produire de la nourriture est immense mais les niveaux de consommation alimentaire reste extrêmement faibles, car une grande partie de la population mondiale vit dans des conditions d'extrême pauvreté et de privation. En outre, le processus de « modernisation » de l'agriculture a conduit à la dépossession des paysans et à l'augmentation du niveau de dégradation des terres et de l'environnement. Autrement dit, les forces mêmes qui encouragent la production alimentaire mondiale à se développer favorisent également une diminution du niveau de vie et une baisse de la demande de nourriture.

Le traitement choc du FMI

Historiquement, les escalades de prix des produits alimentaires au niveau du commerce en détail ont été déclenchées par la dévaluation des monnaies, qui ont toujours été le résultat invariable d'une situation hyper inflationniste. Par exemple, en août 1990 au Pérou, sur les ordres du FMI, du jour au lendemain le prix du carburant a été multiplié par 30 et le prix du pain a été multiplié par 12 :

« Partout dans le tiers-monde, la situation est celle du désespoir social et de la désolation d'une population appauvrie par l'interaction des forces du marché. Les émeutes contre les programmes d'ajustement structurel et les soulèvements populaires sont sauvagement réprimées: À Caracas, en 1989, le président Carlos Andres Perez qui après avoir dénoncé avec éloquence le FMI d'exercer « un totalitarisme économique qui ne tue pas par des balles mais par la famine, » a déclaré un état d'urgence et a régulièrement envoyé des unités d'infanterie et des commandos de la marine dans les quartiers pauvres (barrios de ranchos) sur les collines surplombant la capitale. Les émeutes anti-FMI de Caracas ont été déclenchées à la suite d'une augmentation de 200 % du prix du pain. Hommes, femmes et enfants ont essuyé des tirs sans discernement: « Il a été rapporté que la morgue de Caracas comptait jusqu'à 200 cadavres de personnes tuées dans les trois premiers jours ... et elle a avisé qu'elle était à court de cercueils. » Officieusement plus d'un millier de personnes ont été tuées. Tunis, en janvier 1984: les émeutes du pain instiguées en grande partie par de jeunes chômeurs pour protester contre la hausse des prix alimentaires. Au Nigeria en 1989: les émeutes des étudiants contre les programmes d'ajustement structurel ont entraîné la fermeture de six universités du pays par les Forces armées. Au Maroc, en 1990: une grève générale et un soulèvement populaire contre les réformes du gouvernement parrainées par le FMI. » (Michel Chossudovsky, op cit.)

Les semences génétiquement modifiées

Coïncidant avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, un autre important changement historique a eu lieu dans la structure de l'agriculture mondiale.

Dans le cadre du contrat de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)), les géants de l'agroalimentaire ont une entière liberté d'entrer dans les marchés céréaliers des pays en développement. L'acquisition de « droits de propriété intellectuelle » exclusifs sur les variétés végétales par des intérêts agroindustriels favorise aussi la destruction de la biodiversité.

Agissant au nom d'une poignée de conglomérats de biotechnologie, des semences OGM ont été imposées aux agriculteurs, souvent dans le cadre de « programmes d'aide alimentaire. » Par exemple, en Éthiopie des trousses de semences OGM ont été remis aux agriculteurs pauvres afin de rétablir la production agricole à la suite d'une grande sécheresse. Les semences OGM ont été plantées, ce qui donne une récolte. Mais après, les agriculteurs ont réalisé que les semences OGM ne pourraient pas être replantées sans payer de redevances à Monsanto, Arch Daniel Midland et al. Ensuite, les agriculteurs ont découvert que les graines ne pousseraient que s'ils utilisaient les intrants agricoles soit, les engrais, les insecticides et les herbicides qui sont produits et distribués par les entreprises agroalimentaires de biotechnologie. Toute l'économie paysanne est dorénavant enfermée entre les mains des conglomérats de l'agro-industrie.

Avec l'adoption généralisée de semences OGM, une transition majeure a eu lieu dans la structure et dans l'histoire de l'agriculture depuis sa création il y a 10,000 ans.

La reproduction de semences au niveau des villages et chez les producteurs de semences a été perturbée par l'utilisation de semences génétiquement modifiées. Le cycle agricole, qui permet aux agriculteurs de stocker leurs semences biologiques et de les semer pour en tirer la prochaine récolte a été brisé. Ce concept destructeur, produisant invariablement la famine, est reproduit partout, pays après pays, conduisant à la disparition de l'économie paysanne mondiale.

Michel Chossudovsky est l'auteur du best-seller international "Mondialisation de la pauvreté et le nouvel ordre mondial," qui a été publié en 11 langues. Il est professeur d'économie à l'Université d'Ottawa, Canada, et directeur du Centre de recherche sur la mondialisation Global Research. Il collabore également à l'Encyclopaedia Britannica. Son dernier ouvrage est intitulé ``America`s War on terrorism``, Global Research, 2005. Il est l'auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre.

Traduit par Dany Quirion pour Alter Info

NDT :
(1) Short-selling est une technique qui consiste à vendre à découvert ou à crédit. C'est-à-dire qu'une personne vend des actions qu'elle n'a pas à un investisseur. Cette stratégie permet d'anticiper sur un retournement du marché qui permettra alors d'acheter les actions au client qui voudra les revendre à un prix inférieur.

Dimanche 04 Mai 2008
danyquirion@videotron.ca

Les besoins locaux d'abord



Les pays d'Asie du Sud-Est ont convenu de travailler plus étroitement afin de faire face à la crise alimentaire qui découle de la hausse spectaculaire des prix des aliments de base.

Réunis en Indonésie, les pays ont décidé de prendre des mesures pour stabiliser le prix des denrées alimentaires de base, surtout le riz, et accroître la production. Pour atteindre cet objectif, ils ont notamment abordé les questions des transferts de technologie, de l'augmentation des surfaces cultivées et de l'importance des investissements publics et privés.

Les pays de la région ont également décidé d'exporter leurs denrées alimentaires seulement après avoir comblé les besoins de leur population locale. « Nous n'exporterons pas tant que nos besoins intérieurs ne seront pas satisfaits », a indiqué la ministre du Commerce de l'Indonésie, Marie Elka Pangestu.

De son côté, la Banque asiatique de développement (BAD), qui s'est réunie en Espagne, a promis une aide financière, dont le montant n'a pas été précisé, pour aider les pays les plus pauvres de la région Asie-Pacifique à faire face à la crise.

Vendredi, la Banque africaine de développement avait décidé de hausser d'un milliard de dollars, à 4,8 milliards, ses montants consacrés à l'agriculture pour faire face à la crise sur le continent.

Selon la Banque mondiale, les prix des denrées alimentaires de base dans le monde ont doublé en trois ans. Cette inflation a provoqué des émeutes dans plusieurs pays, dont l'Égypte et Haïti.

Le président de l'institution, Robert Zoellick, estime que 2 milliards de personnes à travers le monde sont affectées par la hausse du prix des denrées alimentaires.


Contrairement aux opinions exprimées à Accra les subventions agricoles n’ont jamais été aussi pertinentes !


Lors de l’ouverture de la XIIe CNUCED[1], dimanche 20 avril, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon appelait « les nations les plus riches à repenser leurs programmes démodés de subventions agricoles », tandis que le Président du Brésil Lula da Silva accusait le protectionnisme des pays développés et « leurs subventions massives qui fonctionnent comme une drogue sur leurs propres producteurs ».

En tant qu’organisations engagées dans la lutte contre la faim et pour le développement agricole, le CCFD[2] et le ROPPA[3], dénoncent les attaques à l’encontre des subventions aux producteurs et de la protection des marchés. Ils rappellent la nécessité de l’intervention publique pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire dans un pays ou une région.

L’Union européenne a pu atteindre son autonomie alimentaire grâce à la Politique agricole commune construite autour d’un marché commun protégé et de subventions à la production. A l’inverse, les politiques publiques en Afrique ont négligé le soutien aux producteurs. Il est plus que jamais nécessaire de mettre en oeuvre aujourd'hui une politique d’investissement et d’organisation de la production et des échanges agricoles.

Dans un contexte mondial où près de la moitié de la population tire sa subsistance des activités agricoles et où les ¾ des 856 millions de personnes souffrant de la faim sont des agriculteurs, les aides financières à l’agriculture familiale et leur protection commerciale sont des mesures d’urgence ! Les « émeutes de la faim » mettent à jour une crise ancienne et durable. Il faut tirer les leçons des expériences passées pour élaborer les politiques d’aujourd’hui.

Contacts :

CCFD : Véronique de La Martinière 01 44 82 80 64 – v.delamartiniere_at_ ccfd.asso. fr

Ambroise Mazal 06 79 44 33 81

ROPPA : Mamadou Cissokho, roppabf@liptinfor. bfcncr_at_cncr.org


[1] La XIIe Conférence des Nations unies sur le Commerce et le développement s’est tenue du 20 au 25 avril à Accra, Ghana

[2] Comité catholique contre la faim et le développement

[3] Réseau des organisations de producteurs d’Afrique de l’Ouest

La crise alimentaire débarque en france



La France, dans la métropole, comme outre-mer, commence à être frappée par la crise alimentaire. Nous allons vite voir si Michel Barnier, membre du Gouvernement de M. Sarkozy, met des actes derrière ses grandes déclarations.

Le riz est la nourriture de base des habitants de la Réunion, qui en consomment 45000 tonnes par an. Après une forte augmentation du prix de la viande et de l’huile, les experts locaux s’attendent à une augmentation du prix du riz de 25 % pour le mois de mai qui vient. « La nouvelle a été confirmée le 29 avril par Dominique Masson, président de l’Union des importateurs de riz. « Depuis fin 2007, le prix du riz à l’importation a quasiment triplé, déclare-t-il. Le « riz cargo », c’est-à-dire celui de base, le riz brun, qu’il faut ensuite blanchir à l’usine, emballer et commercialiser, est passé de 280 euros à 750 euros la tonne en moins de six mois. » Cette nouvelle est rapportée par le principal journal réunionnais en ligne : clicanoo.com.

Tout comme en métropole, où le président de la Croix-Rouge, Jean-François Mattei, a sonné l’alerte, les associations d’aide aux plus démunis ne pourront pas faire face à la demande. L’emploi salarié, cumulant les travailleurs pauvres aux sans emplois, grossit les files d’attente devant les soupes populaires.

Ceux-ci font de plus en plus appel à l’aide alimentaire, comme le souligne la responsable de la Boutique solidarité de la fondation Abbé Pierre à Saint-Denis, Sonia Houas : « Ce public-là est différent, ce sont des gens, dont beaucoup sont jeunes, qui ont des petits contrats de 500 à 600 euros insuffisants pour manger une fois le loyer payé. Ils nous disent qu’ils viennent là parce qu’à l’extérieur ils n’ont pas de réponse. »

Pour ne rien arranger, certaines associations caritatives sont aujourd’hui en redressement judiciaire pour causes de difficultés financières, comme la Banque alimentaire des Mascareignes (BAM) qui fournit 175 tonnes de denrées par an. Elle ne sait pas encore si son approvisionnement – venant principalement d’Europe – sera ou non diminué dans un contexte de crise alimentaire mondiale. « Moi, j’ai des craintes pour début 2009. Vu les cours mondiaux, ça m’étonnerait que l’Europe ait beaucoup de restes fin 2008 », soupèse Jean-René Michel, délégué général de la BAM.

Voilà donc de quoi occuper notre classe politique.